LE SCANDALE DE LA FAIM
Le scandale de la faim.
830 millions de victimes de la malnutrition… Les explications du sociologue Jean Ziegler.
1999... Les jeunes ont le chic pour poser des questions qui mettent dans l'embarras.
C'est pour fournir à ces derniers des éléments de réponse que les éditions du Seuil ont lancé une collection consacrée à de grands sujets d'actualité ou de culture, et dont l'originalité est d'être présentée sous la forme d'un dialogue entre un spécialiste du sujet concerné et son fils ou sa fille.
Après le succès complètement inattendu rencontré par l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun avec son opuscule sur le racisme (*), avaient notamment paru une leçon sur "l'amour de la France " par l'historien Max Gallo et une autre sur l'immigration par Sami Nair, proche collaborateur du ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement. On ne s'étonne guère qu'il ait été demandé au sociologue suisse Jean Ziegler, avocat inlassable de la cause du Tiers Monde, de traiter de la faim dans le monde. Vaste entreprise que de faire le point sur un sujet aussi complexe en une cinquantaine de pages. Ziegler s'en sort pourtant bien. Les données chiffrées, d'abord. En 1998, plus de 30 millions de personnes sont mortes de faim dans le monde et, pendant la même période, près de 830 millions ont souffert de malnutrition sévère et permanente. Le phénomène touche l'ensemble de la planète:18 % des habitants de l'Asie de l'Est et du Sud (soit 550 millions de gens) étaient gravement sous-alimentés l'an dernier; la proportion, qui était de 14 % de la population pour l'Amérique latine et les Caraïbes, atteignait 35 % en Afrique.
La Terre accueille aujourd'hui (1999) plus de 6 milliards d'êtres humains. La famine résulterait-elle de la surpopulation ? Non, répondent les experts de la FAO, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations unies. Dans l'état actuel des capacités de production agricole, le inonde pourrait sans problème nourrir 12 milliards de personnes. L'explication est plutôt à rechercher dans la distribution des biens disponibles. Les sécheresses, ouragans et autres catastrophes naturelles, anéantissant cultures et infrastructures, plongent parfois des régions dans le dénuement extrême. Autre facteur, la guerre, qui, en cette fin de XXe siècle, touche l'Afrique plus que toutes les autres régions du monde. Entre 1970 et 1998, le continent a connu quarante-trois conflits armés, aux conséquences alimentaires toujours effroyables. Car non seulement ils détruisent les capacités de production des zones affectées, mais ils rendent également souvent impossible l'acheminement de l'aide étrangère.
Certaines puissances, par ailleurs, utilisent la privation de nourriture pour imposer leur volonté à tel pays ou telle population. C'est la fameuse "arme alimentaire ". Pour illustrer le sujet, Ziegler évoque les exemples récents de la Bosnie, du Liberia et du Soudan. S'il n'omet pas de fustiger les dirigeants de la Corée du Nord, qui ont transformé leur pays en vaste mouroir, il s'attarde, comme de juste, sur le drame de l'Irak. Une puissance extérieure, les Etats-Unis en l'espèce, impose depuis huit ans à ce pays un blocus économique visant, en théorie, à faire plier son président-dictateur, mais qui, en réalité, inflige les pires souffrances à la population civile. On a estimé qu'en 1998, 600 000 enfants irakiens agonisaient faute de nourriture suffisante et de médicaments.
Il reste que la cause principale de la faim est l'inégale répartition des richesses à travers le monde. Une inégalité qui va en s'aggravant dans soixante-douze pays, le revenu moyen est plus bas aujourd'hui qu'il y a vingt ans. Or, comme le rappelle l'association française Action contre la faim, " un grand nombre de pauvres ne mangent pas à leur faim dans la mesure où la production alimentaire s'ajuste à la demande solvable ". Conclusion de l'auteur: on ne peut abandonner au libre jeu du marché la lutte contre ce fléau. Le droit à la nourriture est le premier des droits de l'homme. Pour qu'il soit respecté, il faut créer une structure juridique internationale appropriée.
(*) Le racisme expliqué à ma fille, voir JA n° 1998
DOMINIQUE MATAILLET
Jeune Afrique, n° 2028, 23-29 nov. 1999
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