[11/06/02] Fallaci: dernières nouvelles du front de la haine

Publié le par R.B

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Juin 2002

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[11/06/02] Fallaci: dernières nouvelles du front de la haine
Impression non seulement de patiner dans une ornière, de faire du sur-place, mais encore de devoir se cramponner très fort et s’arc-bouter pour ne pas se laisser entraîner par la tendance générale au recul, au repli identitaire, à la crispation belliqueuse. Voilà comment on peut décrire le changement d’atmosphère qui s’est produit le 11 septembre 2001. Moins d’une heure après les attentats, les vannes étaient ouvertes, radio et télévision débitant des propos tous plus révoltants les uns que les autres, versant de l’huile sur le feu, appelant à un sursaut de la fierté occidentale, affichant un racisme encore entouré de quelques précautions oratoires, mais qu’on devinait définitivement décomplexé. Depuis, ça n’a fait qu'empirer.
Avant le 11 septembre, des propos révoltants, on en entendait évidemment déjà, mais ils restaient assignés à quelques niches bien identifiées: l’extrême droite, le courrier des lecteurs du Figaro, les ondes de Radio Courtoisie…, et, de façon plus sournoise, certains cercles de la droite et des national-républicains. En écoutant la radio publique, en ouvrant ses quotidiens et ses magazines habituels, on se confrontait à une vision du monde contre laquelle on pouvait parfois pester, qu'on pouvait contester, mais qui du moins nous assurait que certains garde-fous étaient en place, qu’on s’entendait sur les valeurs essentielles. Tout ça n’était peut-être pas d’une grande solidité, mais laissait en tout cas le champ libre pour faire des projets, prospecter, se consacrer à ses centres d’intérêt. Aujourd’hui, ce qui était dérapage marginal est devenu le discours majoritaire. Hommes politiques – et pas seulement de droite –, intellectuels, journalistes, on a envie de les prendre par les épaules et de les secouer, tous: "Dites-moi que c’est une blague! Vous ne croyez pas réellement que le pays est mis à feu et à sang par les enfants d’immigrés, n’est-ce pas? Vous ne croyez pas réellement que c’est grave de siffler la Marseillaise dans un stade? Vous faites semblant?…" Harcelé d’aberrations meurtrières, on passe son temps à répéter toujours la même chose, au nom de principes qui, pour nous, relèvent tellement de l’évidence, qu’on aimerait bien pouvoir en décoller pour débattre de sujets plus intéressants. Peut-être faudrait-il laisser dire, et faire ses trucs dans son coin, continuer à vivre comme on l’entend. Mais comment ne pas se laisser atteindre par quelque chose d’aussi omniprésent, d’aussi taraudant? Comment échapper à un climat aussi déprimant ? [...]

 

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