NON DE DIEU !!

Publié le par R.B

 

Rencontres avec la souffrance sociale

Marie-George Buffet était vendredi en Picardie, région frappée par les restructurations et les plans de licenciements.

 

 

« Je retrouve la Picardie rebelle, celle de la bataille du "non" au référendum du 29 mai (2005), des luttes contre le CPE. C’est elle qui fera bouger la gauche en 2007. » Dans le vaste complexe sportif de Flixecourt, petite ville de 3 000 habitants, qui s’étire le long de la route reliant Amiens à Abbeville, Marie-George Buffet achève une journée marathon dans les trois départements, l’Aisne, l’Oise et la Somme. Elle est accueillie avec chaleur par plus de 600 personnes dans ce banquet-meeting. Marie-George Buffet, comme devait s’en féliciter le maire et conseiller général communiste René Loyon, était déjà venue dans la commune au cours de la campagne de 2005. Et l’élu d’ajouter, y voyant un heureux présage, « nous avons gagné ! ».

Douze heures d’échanges dominés par les thèmes de l’emploi, des salaires, de la dignité au travail, sur une terre de souffrance sociale exprimée souvent avec colère, émotion et vérité. Ils avaient la rage au ventre, ces ouvriers de l’usine de papiers peints Essef, de Balagny-sur-Thérain (Oise) au lendemain de la vente aux enchères de leur outil de travail (matériels et mobiliers) ordonnée par le tribunal de commerce de Senlis. Jusqu’au bout, ils ont tenté de relancer l’usine. Quand en juillet les 134 salariés furent licenciés, une trentaine d’entre eux ont préparé un projet de reprise sous forme de coopérative (SCOP). Le département et la région ont budgété une étude. Le personnel demandait un délai pour finaliser le projet... Ce temps leur a été refusé. Et lorsque jeudi des acheteurs français et étrangers se pressaient devant le commissaire-priseur pour se partager à vil prix des machines destinées à la Pologne ou à la Russie, des salariés accompagnés par des élus communistes ont essayé d’empêcher la vente en s’adressant aux acheteurs, ils furent violemment expulsés sur ordre du préfet. « Usine bradée, salariés virés ! Il faut durcir le mouvement après ce qui s’est passé », fulmine un jeune syndicaliste. Marie-George Buffet insiste sur la responsabilité de la fonction politique : « Imaginez, dit-elle, ce qui se serait produit, si les syndicats et les élus territoriaux disposaient du droit d’imposer un moratoire sur tout plan de licenciements, de présenter des projets alternatifs. » Le rôle de la politique. Tout au long de la journée, la dirigeante du PCF martèlera cette idée, aux antipodes de la phrase tristement célèbre de Lionel Jospin qui, à l’annonce d’un plan de licenciements chez Michelin, soupira : « L’État ne peut pas tout. » Souffrance sociale, dignité bafouée mais aussi envie de résister se sont aussi exprimées lors de la rencontre avec les sidérurgistes sur le site d’Arcelor de Montataire (environ 900 salariés). Le plan de réduction de quelque 430 emplois est en voie d’achèvement. Une partie de l’aciérie est promise au démantèlement dans le cadre de la réorganisation du groupe fusionné avec Mittal Steel. OVE, « offre valable d’emploi » jolie litote pour traduire une réalité traumatisante pour ces ouvriers qu’on a fait venir à Montataire où ils ont construit leur vie et que l’on déplace à nouveau sans autre considération. Et puis, il y a ces ouvriers issus de l’immigration, qui ne peuvent encore bénéficier d’une retraite, et travaillent dans la chaleur des laminoirs à plus de soixante ans.

La journée avait commencé aux premières lueurs du jour dans le quartier populaire de Presles, à Soissons (Aisne), où la députée de Seine-Saint-Denis a dialogué avec des élèves du lycée Léonard-de-Vinci avant de se rendre devant l’école maternelle toute proche et inviter les parents à signer la pétition pour la hausse du pouvoir d’achat. Une exigence largement partagée dans cette cité populaire de quelque 8 000 habitants (le quart de la ville de Soissons) fortement touchés par le chômage et la précarité. Des militants communistes récoltent également des signatures (2 300 déjà comptabilisées) contre la menace d’expulsion d’une famille malgache dont les trois enfants, âgés de huit à dix-sept ans, sont scolarisés ici. Dès 9 heures, une première réunion, présidée par le député Jacques Dessalangre à la maison des syndicats, est l’occasion de dresser un bilan de la situation dans le Soissonnais : dix entreprises de la métallurgie fermées depuis quatre ans, la liquidation de l’usine Volver, filiale de Michelin (541 salariés). « Les gens doutent. Comment leur redonner espoir ? » interroge un militant syndical. « Le doute se justifie, observera Marie-George Buffet, la droite met en oeuvre son programme, elle veut passer en force. » Une situation qui s’aggraverait avec une victoire de la droite en 2007 : « Imaginez cinq années avec Sarkozy, avec une politique ultralibérale,

atlantiste, liberticide. On ne peut remettre les clés de la République à un homme aussi dangereux, à une droite aussi dangereuse. »

Mais la gauche, pour gagner et réussir, doit dire franchement qu’elle mettra en oeuvre une politique antilibérale et comment elle s’y prendra. Et la dirigeante communiste de fustiger la « Star Academy » électorale. « Ne vous laissez pas voler la campagne électorale, insiste-t-elle, on voudrait nous transporter immédiatement à 48 heures du second tour ! », où effectivement « toute la gauche devra se rassembler contre Sarkozy ». Mais d’ici, il faut mener un débat authentiquement citoyen. Se félicitant que la gauche antilibérale se dote d’un programme, la dirigeante communiste, qui est « disponible pour porter ces aspirations au plus haut niveau de l’État », a détaillé tout au long de sa journée picarde des propositions concrètes sur la sécurité d’emploi et de formation, sur le financement des retraites, sur la réorientation de la construction européenne. Elle s’est prononcée en faveur d’un pôle public financier, du médicament et de l’énergie. « Rappelez-vous la campagne du référendum. Tout le monde nous enjoignait de voter "oui". Nous nous sommes rassemblés à gauche sur un débat de contenu et le "non" l’a emporté. Le combat est plus dur dans une élection présidentielle, mais nous pouvons faire bouger les choses. »

Jean-Paul Piérot

 

 

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