Extrême gauche: l’exception française. "Un constat qui en dit long sur l’inquiétude qui règne dans la petite famille très morcelée des antilibéraux"

Publié le par R.B

 


Denis Boulard, Le Journal du Dimanche du 04 février 2007

Et de cinq ! L’entrée en lice de l’altermondialiste José Bové dans la présidentielle vient ajouter à un paysage déjà bien rempli côté antilibéral. Outre la patronne des communistes, Marie-George Buffet, il y a la médiatique Arlette Laguiller de Lutte ouvrière (LO), le facteur de Neuilly-sur-Seine, Olivier Besancenot (Ligue communiste révolutionnaire, LCR) et Gérard Schivardi, « le candidat des maires », dont le premier soutien reste le méconnu Parti des travailleurs (PT). « Cet éclatement est une caractéristique française, explique Dominique Reynié*, qui remonte aux liens du PCF avec l’Union soviétique. Trotskistes et maoïstes, en France comme ailleurs, ne se sont jamais reconnus dans le stalinisme. Si tous refusent l’économie de marché, aucun n’accepte d’abandonner son électorat aux autres. Ce sont des querelles de chapelles. » L’alliance de façade née autour du « non » au traité de Constitution européenne (TCE) a volé en éclats. Ils sont donc cinq, si on fait abstraction d’autres « groupuscules ». Citons, parmi d’autres, Stéphane Pocrain (Conseil représentatif des associations noires, CRAN) ou Roland Castro (Mouvement de l’utopie concrète). Cinq candidats pour moins de 15 % de l’électorat et quelques dizaines de milliers d’adhérents (impossible de connaître avec précision le nombre de troupes militantes).
Galerie de portraits. Marie-George Buffet. La secrétaire nationale du PCF est à la tête de la plus grosse formation de « divisions » antilibérales : 60.000 adhérents revendiqués mais surtout plus de 1.000 élus (parlementaires, maires, conseillers régionaux et municipaux). C’est la force et la faiblesse du Parti. « Ce sont des notables qui doivent négocier avec le PS au risque de perdre leurs mandats », explique Dominique Reynié. Le Parti ne peut donc pas refuser, comme le lui demande la LCR, de participer à une éventuelle prochaine majorité rose-rouge-verte. Pour autant, l’ancienne ministre de Lionel Jospin tente de maintenir l’audience de la place du Colonel- Fabien : disparition sur les affiches du marteau et de la faucille, slogan plus ouvert (« Rassembler la gauche populaire et antilibérale ») et tentative de « récupération » des collectifs unitaires. En 2002, Robert Hue avait recueilli 3,37 % des suffrages. Moins qu’Arlette Laguiller (5,72 %). Arlette Laguiller. La retraitée du Crédit Lyonnais et son célèbre « travailleurs, travailleuses » entrent dans l’arène présidentielle pour la sixième et dernière fois. Depuis 1974, son discours n’a pas changé: guerre au capitalisme et au patronat sur fond de lutte des classes. Mais « Arlette » n’est pas que la figure chantée par Alain Souchon. LO reste un mouvement secret longtemps dirigé en sous-main par Robert Barcia, alias Hardy, dont l’un des leitmotiv est : « Le système capitaliste n’est pas réformable.» Pour l’heure, LO disposerait de 515 « promesses » de parrainage d’élus (il faut 500 signatures pour se présenter au scrutin).
« Nos vies valent plus que leurs profits » Olivier Besancenot n’en est pas là. Fort à ce jour de 410 promesses, le porte-parole de la LCR à la bouille sympathique, sorti de l’ombre en 2002 par Alain Krivine, peine à rassembler ses parrainages. Très clairement, le camarade « Olivier » souffre de la menace de « vote utile » avancée par le PS pour éviter un deuxième 21 avril (Besancenot a fait 4,25 % en 2002). Dans cette profusion de candidatures, le postier, qui se met en disponibilité pour défendre son « Manifeste », expose ses différences : « Le renouvellement (de la classe politique) et l’indépendance (vis-à-vis du PS).» Et la LCR de marteler qu’elle est « 100% à gauche » et que « nos vies valent plus que leurs profits ». Des slogans qu’aurait pu reprendre Gérard Schivardi s’ils visaient l’Union européenne. Car le maire de Mailhac (Aude) fait de la « rupture » avec les vingt-six autres pays de l’Union l’axe de sa campagne. Avec, en ligne de mire, la sauvegarde des services publics : « Il faut sauver les bureaux de poste et les maternités de notre pays », répète-t-il inlassablement. Et s’il ne se revendique pas du Parti des travailleurs, il en accepte le soutien car, selon lui, c’est une formation qui milite pour « la reconnaissance de la lutte des classes » ou « l’abrogation des institutions antidémocratiques de la Ve ». L’influence du PT n’est pas anodine : en 2002, Daniel Gluckstein, son candidat (et actuel secrétaire national) avait été le premier à déposer ses 500 parrainages au Conseil constitutionnel. Avant de recueillir… 0,47 % des voix. José Bové n’en doute pas, il fera plus. L’Astérix du Larzac, pourfendeur de la mondialisation et arracheur d’OGM (toujours en procès), est une vedette. Et un « écrivain »: fin février, il publie chez Hachette Littératures un livre de programme et de témoignages. Reste qu’il ne compte, pour l’heure, que 200 promesses de parrainage (contre 430 à Schivardi). Et que les collectifs unitaires qui le soutiennent (différents de ceux favorables à Marie-George Buffet) se sont donné rendez-vous le 11 mars prochain « pour faire le point ». « Aujourd’hui, tout le monde a besoin d’être rassuré sur le fait que cette candidature aille au bout », note un des lieutenants de « José ». Un constat qui en dit long sur l’inquiétude qui règne dans la petite famille très morcelée des antilibéraux.

Publié dans THÉORIE - PRAXIS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article