DANS L'HUMA DU 21 AVRIL... L'ÉDITORIAL de Pierre Laurent était LUCIDE et presque prémonitoire !

Publié le par RBRB

 

 

Editorial par Pierre Laurent

Un impératif peut en cacher un autre.

Dans un éditorial baptisé « Impératif démocratique », le directeur du journal le Monde, Jean-Marie Colombani, appelle les électeurs à éliminer au premier tour tous les candidats sauf Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. « Pour légitime que soit l’aspiration à la diversité que reflète la multiplicité des candidatures au premier tour, écrit-il, celle-ci doit s’effacer », indique-t-il sans nuance.

L’argument est connu : ne pas reproduire un 21 avril 2002. Selon lui, le vieil adage, qui veut que dans une élection on choisisse au premier tour selon ses convictions pour éliminer au second entre les deux restés en lice, doit cette fois être renversé : il faudrait éliminer au premier tour et choisir seulement au second.

Curieux tour de passe-passe qui conduit le patron du quotidien à nous expliquer que ne pas choisir mais éliminer serait le seul moyen de réunir « les conditions d’une claire et grande confrontation entre deux projets de société » au second tour.

Il faut avoir du culot pour écrire cela, quand on sait que ce sont précisément les deux candidats en question qui, dictant leurs conditions de campagneaux médias, ont empêché la confrontation directe des projets et l’organisation de débats entre les candidats.

En vérité, l’appel à l’élimination de Jean-Marie Colombani va plus loin qu’une incitation circonstancielle au « vote utile ». Pour le directeur du Monde, la bipolarisation présidentielle est une nécessité, non pas pour organiser la confrontation de projets mais pour la limiter durablement à une alternance entre un social-libéralisme mâtiné de démocratie chrétienne et une droite conservatrice et ultralibérale.

Que nous dit en effet Jean-Marie Colombani dans la suite de son article ? Premièrement,que la campagne, marquée par une forte attente, le fut aussi par « une réelle indécision, largement provoquée par une déception palpable ».

Deuxièmement, que la percée de François Bayrou traduit selon lui une « impatience » face à « un PS incapable de faire émerger une force sociale-démocrate moderne ». Jean-Marie Colombani invite donc Ségolène Royal pour la suite à « s’assumer telle qu’elle est réellement, c’est-à-dire convaincue de cette nécessaire évolution, et non telle que le PS voudrait qu’elle soit ».

Troisièmement, que Nicolas Sarkozy, « le plus crédible selon les canons classiques du présidentiable », devra à l’avenir se garder de franchir la ligne jaune comme il l’a fait avec sa proposition d’un « ministère de l’Identité nationale » et ses propos sur l’origine génétique de la pédophilie.

En somme, Jean-Marie Colombani souhaite un second tour qui gommerait ces imperfections pour installer le bipartisme dont il rêve.

Pour les électeurs de gauche, on ne peut dire plus clairement le danger qui désormais menace. Ce n’est plus celui de la répétition d’un scénario 21 avril 2002, dont le spectre s’éloigne d’heure en heure, mais celui d’une élimination de tout débat réel sur les conditions d’une victoire et d’un changement réussis à gauche.

À droite, les écarts de Nicolas Sarkozy vers l’extrême droite dans la campagne n’étaient pas un accident de parcours. À gauche, les errements de Ségolène Royal sur son programme non plus. Ce n’est donc pas en continuant à réduire le choix à cette alternative que l’on garantit l’avenir. Au contraire, on risque ainsi d’ouvrir les portes à de nouvelles mauvaises surprises. 

Le rejet que provoque Nicolas Sarkozy va assurer la présence de Ségolène Royal au second tour.

L’impératif démocratique est maintenant de donner des forces lors de ce premier tour à des choix politiques clairs et mobilisateurs à gauche, aux choix portés par Marie-George Buffet.

Au second tour, il sera trop tard pour le faire, car c’est là que l’urgence sera au rassemblement pour battre Sarkozy.

Article paru dans l'édition du 21 avril 2007.

Publié dans THÉORIE - PRAXIS

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