1983 - 1984 : Le tournant de la rigueur ("souvenons-nous et comprenons mieux !!)
Ne résistant pas à la pression des marchés financiers, la gauche tourna très vite le dos à ses engagements, au nom du réalisme.
À voir le film de Serge Moati, réalisateur de télévision officiel de François Mitterrand en 1981, mardi soir, à la télévision, sur le 30e anniversaire de l’arrivée de la gauche au pouvoir, d’aucuns pourraient croire que, contraint par le capitalisme international et ses soutiens politiques, Ronald Reagan, aux États-Unis, Margaret Thatcher en Grande-Bretagne ou bien même le social-démocrate Helmut Schmidt en Allemagne, la gauche ne pouvait faire autrement, pour sauver l’essentiel, que de prendre le chemin de la rigueur. Explications largement contestées, à l’époque, par le PCF, données alors par le PS et qui trouve encore largement aujourd’hui dans ses rangs, et au-delà, des adeptes.
Au-delà des peurs fantasmées par la droite jusqu’à l’absurde – l’arrivée des chars russes sur les Champs-Élysées – sur l’accession de la gauche au pouvoir, surtout avec des ministres communistes, il est clair que les premières mesures prises par ce nouveau gouvernement avaient de quoi inquiéter les tenants du capitalisme. L’augmentation des salaires et des prestations sociales, les droits nouveaux des salariés, les nationalisations industrielles et du secteur bancaire touchaient au cœur la logique du capitalisme, le profit.
C’est contre une telle politique, dans un pays comme la France, (qui compte au plan des échanges internationaux), que les marchés financiers, les gouvernements conservateurs en Europe et dans le monde se sont mobilisés, jouant de toutes les institutions et de tous les leviers possibles pour mettre en échec le gouvernement de la gauche.
C’est à cette pression que la gauche a cédé en 1983-1984, en décidant d’en finir avec la relance par le pouvoir d’achat, avec le blocage des prix et des salaires au nom de la lutte contre l’inflation, en diminuant de 65 milliards de francs les dépenses publiques, en fermant des usines sidérurgiques, des mines de charbon, en laissant supprimer des milliers d’emplois dans l’automobile…
Ce tournant au nom du « réalisme » accompagnera aussi les dérives de l’argent roi jusqu’à faire de Tapie un ministre ou voir Yves Montand mener campagne sur le thème « Vive la crise ! ».
Ces remises en cause des engagements de 1981 n’avaient rien de fatales.
Agir pour une autre conception de l’Europe qui a abouti, trente ans plus tard à celle que nous connaissons aujourd’hui,
travailler à un autre type de mondialisation,
poursuivre dans la voie d’une autre répartition des richesses entre le capital et le travail,
donner plus de pouvoirs aux salariés
pour investir en faveur de l’emploi plutôt que de licencier,
tout cela aurait permis de montrer que la logique des marchés n’est pas la fin de l’histoire. Un débat qui, à gauche, à la veille de 2012, n’a pas pris une ride.