Un an après la crise du CPE, la jeunesse est-elle devenue une préoccupation politique majeure ? Bruno Julliard
Bruno JULLIARD, Le Parisien du 14 mars 2007
Un an après la crise du CPE, la jeunesse est-elle devenue une préoccupation politique majeure ? Bruno Julliard .
On a marqué des points, c'est évident.
Dans cette campagne, les candidats évoquent beaucoup plus des questions importantes pour la jeunesse, que les manifestations anti-CPE ont contribué à mettre en lumière. C'est positif mais insuffisant, car les candidats en restent encore aux slogans.
La génération anti-CPE est orpheline de propositions politiques fortes. Je sens un désarroi profond, car personne n'a encore pris la dimension du profond malaise qui frappe la jeunesse, notamment sur l'insertion professionnelle. Le délai avant de décrocher un emploi est l'un des plus longs d'Europe. Est-elle gagnée par un esprit de fronde ? Si les attentes des jeunes ne sont pas prises en compte, nous irons au-devant de graves problèmes. Les manifestations ou un vote de protestation, ça va encore.
Mais nous sentons monter des signes plus inquiétants d'expression du mécontentement lié au creusement des inégalités, aux régressions sociales, avec un recours à la violence, à une radicalité comme on l'a vu pendant la crise des banlieues et même celle du CPE.
Ce risque nous pend au nez. La jeunesse va-t-elle se mobiliser pour ces élections ? Un certain fatalisme continue à sévir dans les esprits, mais, contrairement à 2002, on sent nettement la volonté de prendre en main les choses, d'être acteurs du débat.
On nous disait tous décérébrés, feignants, incapables de s'engager, consuméristes... Pendant le CPE, nous avons montré au contraire un véritable esprit de rébellion, une envie d'aller de l'avant. Notre appétit pour la présidentielle est énorme. Dans les facs, les élections sont le sujet numéro un. Et il y a eu en fin d'année dernière une vague massive d'inscriptions sur les listes électorales. Ce qui est sûr, c'est que la jeunesse va peser.
Y aura-t-il un vote jeune ? Je ne crois pas qu'ils donneront automatiquement leurs voix à la gauche. En revanche, il y aura peut-être un phénomène générationnel autour d'aspirations communes, et qui se traduira peut-être par un vote assez homogène. S'ils veulent donner un avenir à notre société, et - plus électoralement - s'ils veulent gagner, les candidats ont intérêt à parler aux jeunes, et plus seulement des jeunes. Ce candidat ne s'est pas encore fait connaître, mais celui qui l'aura compris marquera des points.