>> À propos d'une FULGURENTE DÉROUTE ÉLECTORALE...
Déroute électorale pour un président sans dessein
Elu très largement il y a deux ans lors d'un scrutin marqué par une forte mobilisation populaire, et disposant d'une majorité confortable dans les deux Chambres du Congrès, le président Barack Obama a, depuis le 20 janvier 2009, laissé passer la chance de réformer profondément son pays en lui imprimant une direction progressiste. Est-il encore en mesure de le faire au cours des deux années qui viennent, alors que la Chambre des Représentants vient de changer de main, à l'occasion d'un raz de marée électoral sans précédent depuis 1938 (à l'époque, le président Roosevelt avait vu ses amis démocrates perdre 72 sièges dans cette assemblée, mais... y conserver la majorité) ? En 1994, année noire pour les démocrates, ces derniers avaient perdu 52 sièges ; là, ce sera plus de 60.
Cette fois, cependant, les démocrates conservent la majorité au Sénat, profitant du fait que, élus pour six ans, le tiers seulement des sièges de sénateur étaient renouvelables (la totalité des représentants affrontent en revanche les électeurs tous les deux ans). Cette configuration rendra plus difficile le harcèlement républicain consistant à faire voter nombre de lois provocatrices pour ensuite se plaindre que le président paralyse le pays en y opposant son veto . Dès lors que chaque loi doit être votée par les deux chambres, il est peu vraisemblable que le Sénat, qui reste démocrate, entérine les initiatives de la Chambre des Représentants qui, à partir de janvier prochain, va devenir républicaine. Or l'objectif des adversaires de M. Obama est clair, énoncé d'ailleurs par le le dirigeant du groupe parlementaire républicain au Sénat, M. Mitch McConnell : « La chose la plus importante que nous chercherons à obtenir est que le président Obama ne fas se qu'un seul mandat. » L'enlisement parlementaire se présente donc comme l'option la plus vraisemblable. Les républicains en ont beaucoup usé pendant les deux premières années du mandat de M. Obama, s'opposant unanimement à la plupart de ses grands projets ; ils vont la subir à leur tour. Et, comme en matière de politique étrangère et de nomination des hauts fonctionnaires, ambassadeurs, juges (ceux de la Cour Suprême incluse), c'est le Sénat, pas la Chambre des Représentants qui ratifie les désignations du président, le scrutin d'hier n'est pas uniformément calamiteux pour la Maison Blanche.
Et il ne présage pas le résultat de 2012. D'une part, parce que les deux années écoulées rappellent avec quelle facilité une vague d'enthousiasme peut se métamorphoser en chemin de croix quand les résultats économiques sont mauvais, quand les réformes entreprises semblent se noyer dans l'obstruction parlementaire et dans les compromis dictés par les lobbies, quand le chômage officiel tutoie les 10 % et quand, surtout, les banques, principales responsables de la crise que connaissent les Etats-Unis, ont été les premières à se retrouver sauvées par l'Etat fédéral. Un résultat qui a beaucoup contribué à la disqualification de l'action publique, point saillant de l'idéologie de la droite américaine et du Tea Party.
Par ailleurs, l'éventuelle campagne de réélection de M. Obama mobilisera dans deux ans un électorat plus nombreux, plus jeune et plus susceptible de voter démocrate que les 42 % d'Américains en âge de voter, souvent conservateurs et âgés, qui se sont déplacés hier . Mais la désaffection des électeurs démocrates comporte une signification politique : en deux ans, l'énergie politique et l'enthousiasme ont changé de camp. Conscient que ses réalisations économiques décevantes, sa trop grande disposition à négocier calmement avec des élus républicains décidés à le détruire et sa propre distance, son flegme pouvaient ressembler à de l'indifférence, à une forme d'éloignement technocratique et expert, M. Obama a tenté cette explication la semaine dernière : « 'Yes, we can', mais... cela ne se produira pas tout de suite (...)
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