BAPTISTE MYLONDO - juriste et anthropologue (*) : "C’est donc vers une société du temps de *travail choisi * que nous devons avancer. Chacun, suivant ses besoins, doit pouvoir *définir librement*

Publié le par R.B

 

Par Baptiste Mylondo, juriste et anthropologue (*).

Faut-il travailler plus ?

Et d’abord, « travailler plus pour gagner quoi ? », s’interrogent certains. « Pour gagner plus », répondent d’autres...

Mais chercher à bosser plus quand tant d’exclus ne peuvent travailler est indécent.

Il faut donc travailler moins pour travailler tous, entend-on ailleurs.

Mais attention, que cela ne nous empêche pas de gagner plus !

« Travailler moins pour gagner plus » donc, on touche au but...

Non, car le partage de l’emploi qu’implique cette logique est suicidaire, nous met-on en garde. Un suicide économique s’entend, puisque, nous dit-on, si nous voulons tous travailler, il faut travailler plus...

Alors, « travailler plus pour travailler tous » ?

Mais finalement, pourquoi travailler tous ?

Connaissant le caractère fondamentalement barbant du turbin, la pertinence d’une telle revendication ne saute pas aux yeux.

Quant à travailler plus... Du reste, pourquoi en faire un mot d’ordre ?

D’un point de vue politique en effet, l’unique objectif valable est de répondre aux besoins de la société. La mise en branle de l’activité économique et des emplois qu’elle implique vise précisément à réaliser cet objectif. Mais la « valeur travail » - définie comme la valorisation du travail rémunéré - a fini par faire de l’emploi un besoin à part entière, au lieu de le cantonner au rang de « moyen ».

Une situation « aberrante » si l’on admet que l’emploi peut parfaitement être remplacé par n’importe quelle autre activité : bénévole, ludique ou familiale. Et si l’on considère que l’emploi n’est un besoin qu’en tant que source de revenu pour l’individu, notons simplement qu’il serait utile de lui substituer un revenu inconditionnel déconnecté du travail.

Reste que cette situation aberrante justifie pour l’heure la mise en oeuvre de politiques spécifiques pour répondre à ce besoin social.

Le problème ici est que l’emploi, en tant que besoin, détermine les autres besoins.

La logique voudrait pourtant que l’évaluation des besoins précède et conditionne la quantité de travail fourni. Ce qui est vrai au niveau macroéconomique l’est tout autant au niveau individuel.

Cela engendre parfois un manque de pouvoir d’achat, mais plus souvent une réelle surconsommation.

Prenons un exemple concret. Préférons-nous avoir une petite voiture ou bénéficier de deux mois de vacances supplémentaires par an ? Vaut-il mieux acheter cet écran plat ou profiter d’un mois de grasses matinées ? Certains préféreront peut-être la bagnole et l’écran plat, d’autres pas. Mais ont-ils le choix ? Non, car le temps de travail, le salaire et donc le niveau de chacun est imposé par l’employeur d’une part, et par la « valeur travail » d’autre part, qui sacralise l’emploi à plein-temps. Alors va pour l’écran plat ! Mais si l’on connaît la valeur du temps libre la question se pose avec plus d’acuité encore.

C’est donc vers une société du temps de travail choisi que nous devons avancer. Chacun, suivant ses besoins, doit pouvoir définir librement son temps de travail. Alors, faut-il travailler plus ? Peu importe, en fait, contentons-nous de travailler suffisamment, ni plus, ni moins, pour gagner juste assez, ni plus, ni moins !

(*) Auteur de Travailler moins trois fois moins !, dans Jean-Pierre Gelard (dir.), Travailler plus, travailler moins, travailler autrement, Presses universitaires de Rennes, 2007.

Article paru dans l'édition du 14 avril 2007.

Dans la rubrique Politique aujourd'hui

 

Publié dans THÉORIE - PRAXIS

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