>> LE TEXTE *sublime* DE *mon frère* MICHAËL

LE TEXTE *sublime* DE *mon frère* MICHAËL

Je reviens ainsi sur mon histoire propre et sur cette malédiction qui m’atteignit de plein fouet le 13 Mai 84.

J’avais alors 33 ans 3 mois 12 jours.

On ne se refait pas.

> Roland B.1 dit Rom B.2 dit aussi RBBR.

 

Tribune libre –

Article paru dans L’HUMANITÈ
le 13 décembre 2008

Psychiatrie. La plus terrible des violences

Par Michaël Guyader, psychanalyste, chef de service du 8e secteur de psychiatrie générale de l’Essonne.

Psychiatrie : pourquoi la stygmatisation des malades par le président de la république crée un désordre majeur ?

Monsieur le Président (*)

Eluard écrit, dans Souvenirs de la maison des fous : « Ma souffrance est souillée. »

Après le meurtre de Grenoble, votre impatience à répondre dans l’instant à l’aspiration au pire, qu’il vaudrait mieux laisser dormir en chacun d’entre nous, et que vous avez, semble-t-il, tant de difficulté à contenir, vous a amené, dans votre discours du 2 décembre, à l’hôpital Érasme d’Antony, à souiller la souffrance de nos patients.

Érasme, l’auteur de l’Éloge de la folie, eut pu mieux vous inspirer, vous qui en un discours avez montré votre intention d’en finir avec plus d’un demi-siècle de lutte contre le mauvais sort fait à la folie : l’enfermement derrière les hauts murs, lui appliquant les traitements les plus dégradants, leur extermination en premier, quand la barbarie prétendit purifier la race, la stigmatisation au quotidien du fait simplement d’être fou.

Vous avez, à Antony, insulté la mémoire des Bonnafé, Le Guillant, Lacan, Deumaizon et tant d’autres, dont ma génération a hérité du travail magnifique, et qui ont fait de leur pratique oeuvre de libération des fécondités dont la folie est porteuse, oeuvre de libération aussi de la pensée de tous, rendant à la population son honneur perdu à maltraiter les plus vulnérables d’entre nous. Lacan n’écrit-il pas que « l’homme moderne est voué à la plus formidable galère sociale que nous recueillions quand elle vient à nous, c’est à cet être de néant que notre tâche quotidienne est d’ouvrir à nouveau la voie de son sens dans une fraternité discrète, à la mesure de laquelle nous sommes toujours trop inégaux ».

Et voilà qu’après un drame, certes, mais seulement un drame, vous proposez une fois encore le dérisoire panégyrique de ceux que vous allez plus tard insulter, leur demandant d’accomplir votre basse besogne, que les portes se referment sur les cohortes de patients. De ce drame, vous faites une généralité, vous désignez ainsi nos patients comme dangereux, alors que tout le monde s’entend à dire qu’ils sont plus vulnérables que dangereux.

Mesurez-vous, Monsieur le Président, l’incalculable portée de vos propos qui va renforcer la stigmatisation des fous, remettre les soignants en position de gardiens et alarmer les braves gens habitant près du lieu de soin de la folie ? Vous donnez consistance à toutes les craintes les moins rationnelles, qui, désignant tel ou tel, l’assignent dans les lieux de réclusion.

Vous venez de finir d’ouvrir la boîte de Pandore et d’achever ce que vous avez commencé à l’occasion de votre réplique aux pêcheurs de Concarneau, de votre insulte au passant du Salon de l’agriculture, avilissant votre fonction, vous déprenant ainsi du registre symbolique sans lequel le lien social ne peut que se dissoudre. Vous avez donc, Monsieur le Président, contribué à la destruction du lien social en désignant des malades à la vindicte, et ce, quelles que soient les précautions oratoires dont vous affublez votre discours et dont le miel et l’excès masquent mal la violence qu’il tente de dissimuler.

Vous avez donc, sous l’apparence du discours d’ordre, contribué à créer un désordre majeur, portant ainsi atteinte à la cohésion nationale en désignant, à ceux qui ne demandent que cela, des boucs émissaires, dont mes années de pratique m’ont montré que, justement, ils ne pouvaient pas se défendre.

Face à votre violence, il ne reste, chacun à sa place, et particulièrement dans mon métier, qu’à résister autant que possible. J’affirme ici mon ardente obligation à ne pas mettre en oeuvre vos propositions dégradantes d’exclure du paysage social les plus vulnérables. Il en va des lois comme des pensées, certaines ne sont pas respectables ; je ne respecterai donc pas celle dont vous nous annoncez la promulgation prochaine.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, la très haute considération que je porte à votre fonction.

(*) Lettre ouverte au président de la République à propos de son discours du 2 décembre à l’hôpital Érasme d’Antony (Hauts-de-Seine).

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