Pays-Bas : Une nouvelle gauche émerge
Une nouvelle gauche émerge aux Pays-Bas
Législatives . Après avoir été à la pointe de l’opposition antilibérale à la constitution européenne, le Parti socialiste (SP) pourrait s’imposer comme la troisième force politique.
Leur score devrait constituer le seul vrai bouleversement des élections législatives qui se tiennent aujourd’hui aux Pays-Bas : les socialistes du SP pourraient devenir la troisième force du politique derrière les chrétiens-démocrates et les travaillistes, avec une fourchette de 22 à 28 députés sur 150 (contre 9 dans le Parlement sortant). Un score impensable il y a encore deux ans pour un parti qui doit son originalité à un positionnement clairement antilibéral, quand le consensus politique néerlandais fait du marché le régulateur dominant de l’économie.
un « non » de gauche audible
« Alors que la dernière campagne législative, en 2003, s’était focalisée sur l’immigration et l’islam, cette année le débat porte sur la protection sociale, l’emploi, le logement, les vrais problèmes quotidiens, explique Hans van Heijningen, responsable de la campagne du SP pour ces élections. Or on sent bien que les gens sont fatigués des politiques menées depuis plus de vingt ans et ressentent le libéralisme non plus comme une chance pour l’économie mais comme une menace. »
Longtemps inconnu du grand public, le SP (issu historiquement de la mouvance maoïste, mais qui a fédéré dans la dernière décennie la plupart des courants d’inspiration marxiste ainsi que des militants associatifs et syndicaux) a explosé sur la scène médiatique lors du référendum constitutionnel européen de juin 2005. Face au consensus des grands partis (chrétiens-démocrates, libéraux, travaillistes) et aux souverainistes, le parti socialiste a su créer un « non » de gauche audible. Résultat, une mobilisation sans précédent autour de thématiques nouvelle pour le pays, l’Europe sociale et le besoin de démocratisation de l’UE, et un rejet massif de la constitution (61 % pour le « non ») que les observateurs ont porté au crédit du SP.
Un an et demi après ce succès, les socialistes continuent à faire de l’Europe leur sujet de prédilection. Alors que les principaux partis avaient évité d’aborder le dossier constitutionnel dans leur campagne, le SP vient de leur demander de s’engager sur les projets de relance esquissés par l’Allemagne, qui préside l’UE au premier semestre 2007. « Des élus des travaillistes et des chrétiens-démocrates ont déjà voté une proposition (au Parlement de Strasbourg) demandant, en dépit de tout, que la constitution européenne soit adoptée avant 2009, pointe Harry van Bommel, responsable du SP sur l’UE. Depuis le référendum, le soutien à la constitution a encore diminué dans la population. Les partis ne doivent pas ignorer cette réalité. » Pour appuyer son propos, le parti socialiste a fait publier un sondage indiquant que 64 % des électeurs voteraient « non » si le traité était à nouveau soumis au vote.
La démarche du SP a clairement mis dans l’embarras les autres partis, à peine remis du désaveu du printemps 2005. Et surtout les travaillistes : longtemps privé de concurrents sur sa gauche, à l’exception du petit parti écolo Groenlinks, le PVDA a vu une majorité de ses sympathisants voter avec le SP lors du référendum constitutionnel. Les législatives devraient confirmer qu’une part de l’électorat travailliste s’est détournée vers le SP, celle qui a pris de plein fouet les réformes de la droite pour diminuer les indemnités chômage et les allocations sociales, et ne peut que constater l’absence de propositions alternatives dans le programme du PVDA. De tradition antimilitariste, le SP a aussi porté, à l’inverse des travaillistes, une opposition sans concession à l’engagement des Pays-Bas en Irak. Un dossier revenu à la une après qu’un quotidien vient de révéler que des soldats néerlandais ont pratiqué des actes de torture.
prêt à une alliance avec des garanties
Malgré ces divergences, le SP se dit prêt à former une coalition avec le PVDA si la gauche obtient la majorité. Une « alliance sociale » que les socialistes ne sont pas prêts toutefois à accepter à n’importe quel prix : « Il nous faudra être certains que nous aurons les moyens de mener une autre politique », assure Hans van Heijningen. Les discussions vont débuter dès demain.
Paul Falzon