GRAVE... ET INACCEPTABLE !! : "Peines plancher: le gouvernement frappe encore plus fort que prévu"
AFP - vendredi 1 juin 2007, 17h00
Peines plancher: le gouvernement frappe encore plus fort que prévu
Le gouvernement a décidé de frapper encore plus fort que prévu contre la récidive en instaurant des peines plancher, y compris pour les mineurs, dès le deuxième passage devant le juge et dès les infractions passibles de trois ans de prison ou plus.
Révélé par la Garde des Sceaux Rachida Dati dans le journal Le Monde, ce projet de loi, qui doit être adopté dès cet été, a provoqué la réprobation des principaux syndicats de magistrats, pour qui le texte va surtout servir à remplir des prisons déjà surpeuplées.
Cette loi anti-récidive avait été promise par le candidat Nicolas Sarkozy, mais celui-ci ne visait alors que les multirécidivistes, ceux passant pour la troisième fois devant le juge. Et l'UMP parlait de peines plancher uniquement pour les crimes ou les délits les plus graves.
Ce projet "est beaucoup plus dur que ce qui avait été présenté pendant la campagne présidentielle", relevait vendredi Bruno Thouzellier, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire).
Pour l'essentiel, la future loi prévoit des peines plancher d'environ un tiers de la peine maximale encourue, "avec un régime plus sévère pour les violences graves, telles que les atteintes à l'intégrité physique ou les vols avec violence", explique Rachida Dati.
Mais elle insiste bien sur la possibilité pour le juge de prononcer des peines plus faibles, ou différentes, s'il "motive" sa décision. Le projet ne crée pas "des peines automatiques que les magistrats seraient contraints de prononcer" mais donne plutôt "des lignes directrices" aux juges, assure-t-elle.
Imposer des peines planchers serait en effet inconstitutionnel car contraire au principe de l'individualité de la peine, adaptée à chaque prévenu dans le cadre de la loi.
Mais les syndicats de magistrats ne sont pas convaincus. "Les magistrats, vu leur charge de travail, n'auront pas la possibilité de rentrer dans les détails de chaque dossier" pour argumenter leurs motivations, estime Bruno Thouzellier.
"L'individualisation de la peine (...) est reléguée à l'exception et, au mieux, à la bonne volonté du juge. Et vu le flux pénal, cette exception restera vraiment tout à fait exceptionnelle", renchérit Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la Magistrature (SM, gauche).
Comme promis aussi par le candidat Sarkozy, la justice pourra juger comme des majeurs, sans diviser la peine par deux, les mineurs d'au moins 16 ans qui en seront à leur deuxième récidive pour des crimes "portant atteinte aux personnes et des délits graves de violences ou agressions sexuelles".
La loi "va remplir les prisons de manière décuplée. Elles vont craquer", pense Hélène Franco, tandis que Bruno Thouzellier estime que, puisque "le champ des infractions concernées est très, très vaste, cela va avoir un énorme impact sur le nombre de peines de prison prononcées".
Un homme pris pour la seconde fois à dérober un CD dans un supermarché, vol qualifié punissable de trois ans de prison, sera donc passible d'une peine plancher d'un an, relève Mme Franco.
"C'est la fonction première de la loi pénale d'être dissuasive", estime quant à elle Rachida Dati.
L'Histoire a montré qu' "aucun risque de sanction, même celui de la suppression de la vie, n'a jamais permis de faire baisser la délinquance", réplique le Syndicat de la Magistrature.